Gaspard reprend...

author: Raymond ROUSSEL (1877-1933)
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[...] Gaspard reprend : " Tu sais, on croit qu'il va neiger
À Paris, il paraît qu'une nuit la surface
Des bassins a gelé ; je ne crois pas qu'il fasse
Pourtant pendant le jour encore un froid de loup ;
Nous pourrions bien avoir ici le contre-coup
De ça. " Roberte dit : " Oui, ce serait à craindre,
Mais jusqu'à présent nous n'avons pas à nous plaindre.
Il faut dire que sauf deux ou trois jours, depuis
Une bonne quinzaine au moins, même les nuits
Sont très douces aussi, c'est extraordinaire. "

Il dit : " Je ne suis pas sûr qu'il soit centenaire,
Celui-là, " lui montrant un tout petit palmier
À droite, rabougri, mince. " C'est le premier,
Je suis sûr, que je vois encore aussi grotesque ;
Je crois qu'en essayant il m'arriverait presque
A l'épaule, en trichant. " Roberte dit : " Au fond,
C'est ridicule, tous ces embarras qu'ils font
En paraissant se croire en plein dans les tropiques,
En transplantant tous leurs palmiers microscopiques ;
Ce sont à peine des mandarines que leurs
Oranges soi-disant ; et les envois de fleurs,
Elles sortent toujours directement des serres,
Et du reste elles sont à peu près aussi chères
Qu'à Paris. "Il répond : " Oh ! bien meilleur marché,
ça non. "

Elle reprend : " On a beaucoup marché
Par ici, " lui montrant sur la terre un peu molle,
Humide, on ne comprend trop comment, et qui colle,
Dans tous les sens, beaucoup, là, de traces de pas ;
Un talon a de gros clous carrés ; il dit : " Pas
En ce moment toujours, c'est vraiment incroyable
Comme on voit peu de gens, nous devons être au diable
Déjà, je suis sûr, nous n'avons plus de raisons
Pour jamais revenir sur nos pas, nous causons
Sans penser que nous nous éloignons. " [...]



 
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